Arts visuels

Expo : Paraboles, la sacralisation des images

À partir du 12 septembre, le MACAAL (Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden) accueille à Marrakech Paraboles, une exposition immersive de l’artiste multidisciplinaire Hiba Baddou, co-produite par l’Institut français du Maroc. À travers une installation multimedia, le projet interroge la manière dont les images reçues de l’extérieur ont façonné les désirs d’ailleurs de générations de marocains. 

Paraboles est une exploration sensible et poétique des images qui façonnent nos désirs d’ailleurs. À la croisée du réel et de la fiction, cette exposition pluridisciplinaire, portée par un court métrage rétro-futuriste, interroge l’impact des images sur l’immigration et l’enracinement à travers un objet singulier : l’antenne parabolique.

Tournée vers le ciel, elle capte des fragments d’autres mondes, des échos lointains qui, dès les années 1980, ont éveillé l’envie de partir, de franchir les frontières invisibles du possible. Mais la parabole est aussi un langage, une voix qui raconte l’aspiration à un ailleurs, un récit où se mêlent espoir et illusion.

Comment ces images suspendues entre ciel et terre ont-elles transformé nos imaginaires ? Dans cette constellation d’œuvres, la Parabole devient une figure totémique, la narratrice d’une histoire tissée d’exil, de mémoire et d’appartenance. Un passeport imaginaire, une langue hertzienne et un livre sacré viennent nourrir cette réflexion, esquissant un territoire où la mémoire se propage en ondes, où l’enracinement se réinvente dans la transmission.

Dans les années 1980, les toits marocains ont vu apparaître d’étranges objets : des couscoussiers transformés en antennes paraboliques, ingénieusement détournés pour capter des images venues d’ailleurs. Par-delà les murs et les censures, ces ondes transportaient un monde lointain, fascinant, un mode de vie idéalisé qui a marqué un tournant dans l’imaginaire collectif.

Le ciel, autrefois symbole de spiritualité, est alors devenu une fenêtre sur le reste du monde. Une ouverture sur des cultures et des aspirations inédites, alimentant le désir d’un ailleurs. Face à ces images, une question se pose : comment ont-elles influencé notre rapport au monde et à l’exil ? Ont-elles forgé de nouvelles identités ou creusé un fossé entre réalité et illusion ?

À travers cette exposition, je suis partie à la rencontre de celles et ceux qui ont franchi le pas, qui ont quitté leur terre en poursuivant le rêve projeté sur leurs écrans. Certains, une fois arrivés, réinstallent ces mêmes paraboles, mais cette fois tournées vers le pays qu’ils ont laissé derrière eux. Que se passe-t-il alors à mi-chemin, dans ce ciel devenu lieu de transmission et de collision des ondes ?

À l’inverse, ceux qui n’ont jamais eu accès à ces images portent souvent un regard plus poétique et ancré sur leur terre, ne ressentant pas forcément l’appel du départ.

Cette installation interroge la place des images dans nos aspirations et notre mémoire collective. Comment un signal venu du ciel peut-il façonner un destin ? Et si l’on regardait ce ciel autrement, comme le plus vaste des récits, celui qui, depuis toujours, nourrit nos rêves et nos histoires ?

MACAAL
Al Maaden
Sidi Youssef Ben Ali
40000 Marrakech
À partir du 12 septembre

© @leogfrn

Hiba Baddou (née le 1er mars 1997 à Rabat, Maroc) est une artiste multidisciplinaire, réalisatrice, photographe, peintre, calligraphe, performeuse et directrice artistique ; dont le travail explore les thèmes de l’appartenance, du rituel et du langage à travers des médiums variés. Fusionnant l’héritage culturel africain et arabe avec une esthétique rétrofuturiste, elle crée un dialogue poétique entre la mémoire ancestrale et les futurs à venir.

Diplômée de l’École Internationale de Création Audiovisuelle et de Réalisation (EICAR) à Paris, Baddou a remporté les prix de la Meilleure Réalisation et de la Meilleure Photographie pour son film de fin d’études. Elle a ensuite poursuivi un Master en Direction Artistique à Penninghen, où elle a développé un langage visuel singulier qui lui a valu le Prix du Jury, présidé par Jean-Charles de Castelbajac.

Le travail de Baddou a été exposé à l’international, notamment dans des institutions prestigieuses telles que la Villa des Arts de Casablanca et Rabat et Bab El Kébir à Rabat, en collaboration avec le Ministère marocain de la Culture. En 2024, son projet pluridisciplinaire Paraboles — qui explore l’influence des images satellites sur les migrations et le désir collectif — a reçu de nombreuses distinctions internationales, dont le Premier Prix au AVIFF Art Film Festival, et a été présenté dans plusieurs festivals de renom tels que le Snowdance Festival et Les Nuits Méditerranéennes. Il a également été exposé à la Biennale de Dakar 2024, affirmant son impact dans le paysage de l’art contemporain africain. La même année, elle a été nommée Lauréate Mondiale du prestigieux Art for Change Prize décerné par la Saatchi Gallery de Londres, récompensant son engagement à utiliser l’art comme force de transformation.

Au cœur de sa pratique se trouve une approche innovante de la calligraphie, qu’elle intègre dans des performances en direct, mêlant le sacré et le visuel pour créer des expériences immersives et rituelles. En 2024, elle a collaboré avec le musicien David August pour des performances à l’ICA de Londres et à l’Aktionhaus de Berlin, où elle a fusionné son et image dans des compositions sensorielles qui altèrent la perception du temps.

En tant que directrice artistique, Baddou a collaboré avec des artistes de renom, apportant une vision cinématographique et profondément personnelle au récit musical. Son travail continue de repousser les frontières de l’art contemporain, reliant avec fluidité photographie, peinture, cinéma et performance, tout en explorant le rôle des images, de la mémoire et du rituel dans un monde en constante évolution.

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