Idées

Les Rendez-vous de la philosophie à Marrakech

Évènement fortement plébiscité par le public marocain, les Rendez-vous de la philosophie, manifestation majeure de la programmation France-Maroc.

Ces rendez-vous visent à constituer un temps fort dans la région pour promouvoir la pensée classique et contemporaine, pour stimuler la pensée critique issue d’univers pluriels et ouvrir la réflexion sur l’espace afro-méditerranéen,

Organisés par l’Institut français du Maroc et sous la houlette d’un double commissariat franco-marocain, Camille Riquier du côté français et Driss Ksikes pour la partie marocaine, ils sont l’occasion de confronter analyses et propositions autour d’enjeux contemporains, rassemblés cette année sous la thématique générale : L’Universel en tension.

L’exigence d’universalité n’est pas un héritage exclusif du siècle des Lumières. Le mot vient du grec (katholicos) et s’oppose à particulier. La mathématisation de la nature est le fruit d’un vaste mouvement historique qui le précède et au sein duquel les civilisations antique, hébraïque, chrétien, arabe et musulmane, ont toutes contribué de façon active. S’il y a des universalismes, c’est que toutes ont également œuvré pour l’humanité entière. Traditions antérieures à l’universalisme triomphant de la société moderne technicisée, n’ont-elles fait que préparer son avènement ? Ou leur survie, voire leur vitalité, n’est-elle pas un démenti à leur caducité ? N’est-ce pas également l’occasion de repenser autrement l’universel, sans position de surplomb, de façon latérale et distributive, par intégration des particularité et empiètement mutuel des points de vue ? 

 

Commissaire : Camille Riquier 

Camille Riquier est philosophe, professeur et doyen de la faculté de philosophie à l’Institut Catholique de Paris, membre de la revue Esprit et lauréat de l’Académie française pour son ouvrage Archéologie de Bergson qui a reçu le prix La Bruyère. Il est co-rédacteur des annales bergsoniennes.  

Parmi ses ouvrages récents : Nous ne savons plus croire (P.U.F, 2023), Métamorphoses de Descartes (Gallimard, 2022), Archéologie de Bergson (Puf, 2e éd. 2021), Philosophie de Péguy : ou les mémoires d’un imbécile (P.U.F, 2017) 

PROGRAMME

18h – Ouverture – Salle présidence
Président de l‘Université Cadi Ayyad – Directrice de l’IF Maroc
Commissaire : Camille Riquier  / Maître de cérémonie : Mohamed Maouhoub

18h20 – Salle présidence
Cynthia Fleury & Driss C. Jaydane
Quel universel face aux impératifs de justice et de dignité ?
Modération : Hanane Essaydi

————————–

19h – Salle présidence
Olivier Mongin 
Les retournements de la modernité 

Ne faut-il penser la modernité que sur le mode de la rupture temporelle et ne faut-il l’appréhender que dans le prisme européen et occidental ? Comment imaginer autre ment les liens entre le passé et le présent ; et comment se figurer un Universel qui ne se présente pas uniquement sur un mode vertical ? Comment la tradition s’accorde-t-elle ou non aujourd’hui à la modernité (mais laquelle) dans certains contextes ? Telles sont quelques-unes des interrogations que le devenir monde contemporain nous invite à approfondir non sans inquiétude 

19h – Centre d’innovation
Ahmed Ferhane أحمد فرحان
الكوني والتاريخي في النص المقدس 

 إن إعادة التفكير في النص المقدس من منظور الكوني والتاريخي، هي دعوة إلى الكشف عن الأفق الكوني في التجربة الروحية البشرية كما تجلت في تاريخية النص المقدس، وإلى تخليص الوعي الديني من القيود العقائدية التي تشكلت عبر التأويلات « القانونية/السياسية » للبنية القصصية للنصوص المقدسة. لا ننظر إلى الكوني والتاريخي في النص المقدس من زاوية حضور النص المقدس في التاريخ الاجتماعي والثقافي والسياسي، بل ننظر إلى أن التكوين النصي للمقدس ذو طبيعة محايثة: لا يكون الكوني ممكنا إلا بالشرط التاريخي

19h – Bibliothèque
 Lucie Tardy 
Penser l’universel: monde visible, monde invisible dans la philosophie arabe 

 Le couple šāhid-ġā’ib renvoie, dans la pensée arabe, aux mondes « visible » et « invisible ». Du premier, qui est le nôtre, on dira qu’il est l’immédiatement observable, du second qu’il se soustrait à notre expérience et donc à notre connaissance. À quelles conditions, alors, monde visible et monde invisible s’intègrent-ils à la totalité? Et à quel titre peut-on encore prétendre à l’universalité du jugement, voire parler d’un univers un ? 

20h – Salle présidence
 Yamina Adouhane & Amadou Hamidou Diallo 
Falasifa et mutakallimun : la raison en partage ?  
Modération : Professeur Fatima Zohra Iflahen 

Loin d’une opposition caricaturale entre foi d’un côté et raison de l’autre, ce qui est souvent appelé « l’âge d’or » de l’islam (VIIIe-XIIIe AD/2e-7e AH) a été le théâtre d’un dialogue riche au sein même du kalam (théologie rationnelle) et avec les tenants de la falsafa (héritière de la philosophie grecque). La discussion visera à montrer la complexité, profondeur et fécondité de ces échanges. Elle sera aussi l’occasion d’évoquer ensemble les questions que cette rencontre de traditions différentes soulève dans le rapport à la langue, à la religion et à la raison, ainsi que les résonances de celle-ci dans la pensée islamique contemporaine. 

20h – Centre d’innovation
Sophie Nordmann
La contribution de la tradition juive à la réflexion sur l’universel 

On trouve dans la tradition monothéiste juive une conception particulière de l’universel. En effet, le monothéisme conçoit Dieu non pas comme un Dieu parmi d’autres, inscrit dans une pluralité, mais comme absolument unique. Dès lors, le Dieu du monothéisme, parce qu’il est le seul, l’unique, est aussi le Dieu de tous : son absolue singularité se renverse en universalité.
Nous voulons approfondir ce renversement paradoxal – et la conception de l’universel qui en découle – à la lumière des interprétations auxquelles il a donné lieu à l’époque contemporaine, en particulier chez le philosophe français Emmanuel Levinas (1906-1995) et chez le philosophe américain Michaël Walzer (1935-) 

20h – Bibliothèque
Hatim Amzil حاتم أمزيل
 مسارات العَلْمَنَة: الخصوصية طريق القيم الكونية

الأطروحة: خلافا لما هو متداول، يشهد الواقع أن جميع المجتمعات الإنسانية تعيش فعلاً سيرورات علمنة في تاريخها الحديث، وذلك وفق إيقاعات ووتائر مختلفة ومتباينة؛ ثم إن هذه السيرورات على اختلافها تنشد جميعها قيما كونية مشتركة، من قبيل: الحرية والكرامة والحق والمساواة والعدل…
الرِّهان: من خلال مثال سيرورات العلمنة، نروم إثبات أن الخصوصية والاختلاف قد تشكل منطلقات لا تتعارض مع القيم الكونية والمشترك الإنساني.
المنهج: تستند ورقتنا إلى مقاربةٍ متعددة التخصصات قائمة على الحوار والنقاش بين فلاسفة وعلماء اجتماع ومؤرخين من آفاق نظرية مختلفة

21h – Salle présidence
Mériam Korichi
L’universel, un concept scientifique ? 

Mobilisant d’abord la méthode sémantique, pour mettre en avant la grande variation de sens du terme « universel », selon qu’il est employé dans le champ de la logique ou bien dans celui de la politique (deux domaines de discours qui ne sont pas connexes), l’intervention interrogera les limites conceptuelles de cette notion et tentera d’apporter une réponse naturaliste à la question de son objectivité et de son adéquation. 

21h – Centre d’innovation
Tarik El Ariss  طارق العريس
 مفهوم الفرد والذاتية في العصر الرقمي 

 تعالج هذه المحاضرة تأثير العصر الرقمي على مفهوم الفرد والذاتية المنبثقين عن الحداثة كمشروع علمي، تربوي، سياسي واجتماعي متمحور حول الحضارة الغربية ابتداء بمشروع النهضة في أوروبا وتطوره من خلال التنوير في القرن الثامن عشر . مشاريع حداثية عدة في منطقة الشرق الأوسط و إفريقيا الشمالية وغيرها انطلقت بحوار مع الحداثة الغربية وأدت إلى مفاهيم ومشاريع مختلفة منها الذات والفرد. تعرضت الحداثة في العقود الأخيرة الى نقد لمناهجها علمانية كانت أو لبرالية. واجهت أيضا تحديات تكنولوجية جوهرية شككت بقدرة السرد والتمثيل اللغوي والسياسي. إذاً، ما هو مفهوم الذات وسردياتها في العصر الرقمي؟ ما تأثير هذه المفاهيم الجديدة والتحولات على مفهوم المجتمع والثقافة. 

21h – Bibliothèque
Souad Ayada 
De quel universel les religions sont-elles capables ? 

Chaque religion possède une singularité unique tout en étant elle-même génératrice d’une multiplicité de croyances, de rites, de modes d’expression intellectuels et moraux. Il peut donc sembler étrange de supposer que les religions, qu’elles soient monothéistes, polythéistes ou exemptes de la représentation d’une divinité, soient capables de porter un message universel. L’idée d’une religion universelle est insoutenable. Quant à l’œcuménisme, il est inévitablement artificiel. Nous montrerons que la diversité de certaines religions, celle des religions monothéistes plus précisément, n’interdit pas qu’elles portent, sur un mode toujours singulier, un universel concret. C’est le fond de particularité d’une religion qui est le moteur de sa puissance d’universalité. 

22h – Salle présidence
 Mohamed Maouhoub محمد موهوب
مثال من خَلق التقليد !

اسعى في مداخلتي لتقصي الحدود التي يفرضها العصر، أفق العصر (القرن الرابع الهجري) في إلباس الأمر على المتناظرين حول منزلة اللغة (النحو والمنطق)، بين كل من النحوي « السيرافي« ، والمنطقي « متى بن يونس« . الوقوف على انسداد الأفق، إيقافٌ على موضوعية الالتباس (وكيف يتعدى حملته)، على ما يعتمل، بطريقة لا واعية، في المتناظرين، ومن خلالهما، إيقاف على ما يجترحه الجديد، ويستوجبه، ليخرج من أحشاء القديم، من أحشاء التقليد. 

22h – Centre d’innovation
 Fabienne Brugère 
Le souci de soi est-il universel ? 

Faut-il se soucier de soi? Y a -t-il une universalité du souci tant ce terme concerne la manière dont nous nous sentons nous-mêmes? S’agit-il de caractériser une forme de soin (du corps, de l’âme) ou un sentiment irréductible de l’existence comme Rousseau le découvre dans Les rêveries du promeneur solitaire? On dit que les hommes se soucient de soi et les femmes des autres : le souci est-il traversé par le genre? 

22h- Bibliothèque
Bado Ndoye 
L’idée d’universel chez Senghor et Césaire

 Senghor et Césaire auront refusé de diverses manières le verdict de Sartre dans Orphée noir, consistant à présenter la négritude non seulement comme un racisme inversé, mais surtout comme une fulgurance poétique destinée à disparaître sous les nécessités d’airain du capitalisme. Pour Sarre, comme chacun sait, seule la classe universelle, le prolétariat, pourra libérer l’humanité. Nous voudrions monter que quand Césaire démissionne du parti communiste et parle dans sa lettre à Maurice Thorez de la « variété africaine du communise », et Senghor de la SFIO et publie Pour une lecture africaine de Marx et d’Engels, ils se présentent tous les deux en penseurs de la totalité ayant pour ambition de penser à nouveaux frais la question de l’humanisme, mais d’un point de vue qui soit en rupture avec l’universel hégémonique de l’Occident. 

 

 

 

Souâd Ayada 
Philosophe, née au Maroc, inspectrice générale de l’éducation nationale. En 2017, elle est nommée présidente du Conseil Supérieur des Programmes et est membre de la mission Mathiot chargée de réformer le baccalauréat français.  Elle a coordonné le numéro thématique « Philosophie en islam » de la Revue philosophique de la France et de l’Étranger (2024).
Hatim Amzil
Philosophe, professeur de philosophie contemporaine à l’Université sidi Mohammed Ben Abdellah à Fès. Sa dernière publication est Sécularisation et laïcité, Regards et parcours (Centre Ibn Rushd, Fès, 2022)
Fabienne Brugère 
Philosophe, professeure de philosophie à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, membre du comité de rédaction de la revue Esprit. Elle travaille sur la philosophie de l’art,  morale et politique. Elle a dirigé de nombreux livres sur Spinoza, Foucault, Judith Butler, le libéralisme, l’œuvre d’art.
Sophie Nordmann 
Philosophe, professeure à l’École pratique des hautes études. Elle dirige depuis janvier 2021 la Maison des étudiants de la Francophonie à la Cité internationale universitaire de Paris. Ses recherches portent sur la philosophie contemporaine et la pensée juive.
Tarek El-Ariss 
Titulaire de la chaire James Wright et chef du département d’études sur le Moyen-Orient à Dartmouth College. Formé à la philosophie, à la théorie littéraire et aux études visuelles et culturelles à l’université américaine de Beyrouth, il traite des questions de déplacement, de guerre et de désir. Il interroge le concept de modernité dans le monde arabe et notamment la littérature et sa spécificité vis-à-vis de l’Occident.
Ahmed Ferhane 
 Philosophe, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines ainsi que directeur de thèse au laboratoire “Homme, Société, Valeurs” de l’Université Ibn Toufail à Kénitra.
Meriam Korichi
Agrégée et docteure de philosophie, spécialiste de la philosophie de Spinoza, dramaturge et metteuse en scène, créatrice de la série des Nuits de la philosophie. Son dernier livre, Spinoza Code, a été publié au printemps 2024 chez Grasset.
Mohamed Maouhoub 
 Philosophe, professeur de philosophie à l’université Cadi Ayad de Marrakech. Spécialiste de philosophie allemande, il est également traducteur d’ouvrages de l’arabe vers le français. Ses derniers ouvrages, publiés aux presses de l’université Cadi Ayad sont Alexandre Koyré, la science, philosophie et la politique (en arabe) en 2021 et Turjman al falsafa (“Traduire-la philosophie”) en 2012.
Olivier Mongin
Philosophe, écrivain, directeur de la revue Esprit de 1988 à 2019, il a été éditeur au Seuil et chez Hachette. Il co-préside l‘association Paul Ricoeur à Paris. Il a publié entre autres une trilogie des passions démocratiques, des ouvrages sur la vie intellectuelle et politique, sur Paul Ricoeur, sur le cinéma, et sur l’urbanisation.
Bado Ndoye 
Philosophe, spécialiste de phénoménologie et d’histoire des sciences, il enseigne la philosophie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Spécialisé en phénoménologie et en histoire des sciences, il se passionne depuis dix ans pour la philosophie africaine et les théories décoloniales.
Lucie Tardy
Philosophe, normalienne, agrégée de philosophie et docteure en Histoire de la philosophie arabe médiévale. Sa thèse, sous la direction de J.-B. Brenet à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est intitulée « Qualifier Dieu ? Les attributs dans la pensée arabe : Averroès contre al-Juwaynī ».  Cette année Lucie Tardy est boursière au sein de l’Institut Français d’Islamologie (IFI).
Yamina Adouhane 
Philosophe, spécialiste de philosophie arabe médiévale. Son travail porte sur les liens entre théologie et philosophie dans le monde musulman à travers la traduction et le commentaire d’un ouvrage méconnu du théologien occidental al-Miklātī qui s’attache, dans la tradition d’al-Ghazālī, à réfuter les doctrines d’Avicenne et d’Averroès.
Amadou Hamidou Diallo 
Docteur en philosophie après avoir soutenu sa thèse portant sur la philosophie islamique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Son dernier ouvrage Mutazilisme : Philosophie et histoire des dissensions en Islam publié en 2018 chez l’Harmattan aborde la question des rapports entre islam et philosophie.
Cynthia Fleury 
Philosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury est professeur titulaire de la chaire de « Philosophie à l’Hôpital » du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences et titulaire de la chaire de “Philosophie à l’Hôpital” du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences. Elle travaille sur l’individuation et l’Etat de droit, notamment dans ses ouvrages La fin du courage, Les irremplaçables et Le soin est un humanisme.
Driss C. Jaydane
Philosophe et politologue, il dirige la collection Le royaume des Idées. Il est également chroniqueur à Luxe Radio et s’engage depuis toujours pour la tolérance, l’égalité et la diversité au Maroc. Parmi ses dernières publications, on compte l’essai La faute et le festin (La croisée des chemins, 2016) et le roman Moïse de Casa (Les Avrils, 2021).

Restez connecté

M’abonner à la newsletter